La peur a tant de visages différents que nous serions sans doute nombreux à en donner une définition différente. Il peut s’agit de la peur de
- n’être pas à la hauteur,
- se sentir rejeté,
- n’être pas aimé,
- manquer de nourriture, d’argent, d’amour,
- d’être laid, gros ou chauve, humilié, rabroué, insulté ou, au contraire,
- d’être envié, jalousé, jugé.
Toutes ces différentes formes qu’elle revêt nous parlent de notre mal-être et d’un profond sentiment d’infériorité et d’impuissance. Comme d’une prison aux murs d’enceinte très hauts et aux cellules sans fenêtres. Ainsi que d’un disque passé en boucle, rayé et déprimant.
Les sages bouddhistes, s’adressant à quelqu’un qui leur fait part de la peur de quelque chose, plongent leur regard dans celui de leur interlocuteur et leur posent cette question : « As-tu peur de mourir ? ».
Derrière toute peur se cache celle, fondamentale, d’affronter notre mort ; de retourner, selon nos convictions et nos croyances, dans les tourments de l’enfer, du néant ou au mieux dans ce monde idéal appelé paradis.
Mon propos ici n’est pas de débattre de ce qu’est ou n’est pas la mort. Quoi que l’on en pense ou dise, elle est un passage qui reste mystérieux et personnel pour chacun. Non, ce qui m’interpelle bien davantage, c’est ce que la peur de ce statut de vivant à défunt génère autant d’autres peurs, telles celles mentionnées ci-dessus. C’est donc une sorte de cercle vicieux. Par peur de la mort, qui engendre une peur de ceci ou cela, l’on se trouve réduit à avoir peur de vivre ! Pour éviter d’être mal aimé, rejeté, de manquer, etc !
La grande guerrière
Et l’autre face insidieuse de la peur, c’est la violence et l’égoïsme cynique qu’elle engendre. Quelque chose du genre « C’est toi ou moi ! ». Quand bien même il y a des variantes certainement plus légères de cette version, en fin de compte l’autre est pointé du doigt. La peur est une grande et destructrice guerrière. Il suffit de prendre pour exemple la peur du manque à l’origine de tant de guerre. C’est donc, tout au long de notre chemin de vie, notre travail de la dompter et de la transcender.
Car il est possible aussi de s’en faire une alliée. Ce peut être une formidable source de motivation de se défaire du carcan et de la violence que, l’ayant acceptée dans nos vies, elle nous impose. Si donc après la peur il y a l’infériorité, l’impuissance, la colère et la rage, c’est donc qu’avant de lui avoir laissé la place, il y a notre grandeur, notre toute puissance, notre confiance. D’aucuns diraient aussi notre royauté.
C’est ainsi que d’accepter sa peur, puis la colère, la rage, la frustration ou l’égoïsme qu’elle peut engendrer, en laissant s’il le faut exploser ses émotions pour mieux s’en défaire (dans le respect de soi et des autres) est une excellente voie à suivre. Cela libère le chemin vers notre grandeur et notre toute puissance. Et les accueillir dans nos vies générera plus de paix, de créativité et d’amour, que de se laisser conduire sans broncher sur le versant atrophiant, réducteur et violent de la peur, simplement parce qu’il n’est pas (encore) politiquement correct de nous reconnaître dans notre dimension la plus élevée.